Lundi 15 octobre 1 15 /10 /Oct 05:44

A force de trop tirer sur la corde Armand avait fini par la casser… Son petit commerce parallèle avait pris, au fil du temps, une telle ampleur qu’il avait éveillé les soupçons… On avait fait procéder à une vérification comptable approfondie et il avait été licencié sur le champ… Je n’avais pas accès à la caisse… On ne pouvait donc me suspecter de quoi que ce soit… Le directeur, qui m’avait reçu, avait même vanté les exceptionnelles qualités dont j’avais fait preuve dans l’exécution des tâches qui m’étaient confiées… - Et vous êtes capable de prendre des initiatives… C’est rare aujourd’hui… Et précieux… Vous avez fait des études de Lettres… Vous vous destinez à l’enseignement ?… - Oh non… Pas spécialement, non…    - Ecoutez… Je gère une grande surface pas très loin d’ici… Le secteur librairie a pris beaucoup  d’extension… Il faudrait un bras droit à mon chef de rayon… Quelqu’un de sérieux, de compétent… En qui il puisse avoir toute confiance… Je ne vous demande pas une réponse immédiate… Réfléchissez à ma proposition…

 

 

C’était tout réfléchi et, le lundi suivant, je prenais possession de mon nouveau poste de travail… Avec Gilbert, le chef de rayon, je me suis aussitôt remarquablement entendu… On partageait une même passion pour les mêmes écrivains et, dans de nombreux domaines, on avait des conceptions analogues… Quant aux trois collègues – trois femmes – que j’allais être amené à côtoyer tous les jours elles m’avaient accueilli à bras ouverts et le courant était tout de suite très bien passé…

 

 

- Evidemment !… Les nanas avec un mec elles font toujours ce qu’il faut… Des fois que… On sait jamais… Une grande surface t’en as pas que trois des filles en plus !… T’as tout un réservoir… Le problème, c’est que là tu vas pas pouvoir mater… Ca s’y prête pas… Encore que toi, tel que je te connais, t’es bien fichu d’aller inventer un truc invraisemblable pour y arriver quand même !…

 

 

Irina était en veine de confidences… Entre deux clients elle m’entretenait de ses problèmes conjugaux… - Je le comprends plus… Mais qu’est-ce qu’il veut à la fin !… Il dit qu’il m’aime… Il veut pas me quitter… Mais en même temps on dirait qu’il fait tout pour nous rendre la vie impossible… Pour que je me détache de lui… Aide-moi, Gabriel !… Aide-moi à m’y retrouver… Toi qu’es un homme… Eva s’est esclaffée… - Oui, ben alors là elle a tiré le bon numéro !…

 

 

Ce soir-là je m’étais un peu attardé à discuter avec Gilbert après la fermeture… Je regagnais ma voiture garée sur le petit parking derrière… Il en restait une autre à l’autre bout là-bas… Une fille était prostrée dessus… Je me suis approché… - Ca va pas ?… - Si !… Entre deux sanglots… - Ca a pas l’air !… - Ce sont des cons !… Ce sont tous des cons !… J’en ai marre, mais marre !… Elle a relevé la tête… C’était l’une des caissières de la jardinerie… - C’est au boulot que t’as des problèmes ?… - Oui… Non… C’est rien… Je m’en fous de toute façon… Oh, et puis fiche-moi la paix, toi aussi !… Je t’ai rien demandé… Occupe-toi de tes fesses… Elle s’est engouffrée dans sa voiture et elle a démarré en trombe…

 

 

Le lendemain soir, elle m’attendait sur le parking… - Excuse-moi pour hier… J’étais complètement à cran… A force d’encaisser il y a des moments où ça déborde… - A force d’encaisser quoi ?… - Oh, rien !… - Ca te soulagerait peut-être de vider ton sac… - T’es gentil, mais… Un type – un manutentionnaire de la jardinerie – s’est approché… - Excusez-moi !… Dis, la limande, tu les chercheras pas les géraniums… Je les ai mis dans l’autre réserve… C’est beaucoup plus frais… Allez, salut… A demain… - Et voilà !… T’as la réponse… C’est comme ça toute la journée… La limande… La planche à pain… Les œufs sur le plat… J’ai droit à tout… Et encore celui-là il est gentil… Il y en a d’autres ça l’est beaucoup moins… Je le sais que j’ai pas de seins… C’est pas la peine de me le rabâcher sans arrêt… C’est déjà assez dur comme ça… Et elle a fondu en larmes… - Excuse-moi !… Elle a ouvert sa portière… - A propos je m’appelle Mathide… Personne m’appelle jamais par mon prénom… Personne… Jamais… Je suis sûre qu’ils le connaissent même pas…

 

 

- Ah ben tu vois !… Tu vas avoir trouvé chaussure à ton pied finalement… Elle a pas de seins… T’as pas de queue… Vous êtes faits pour vous entendre…

Par François - Publié dans : Mémoires d'une toute petite queue
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