Lundi 23 juillet 1 23 /07 /Juil 06:44

A  LA  VI E,  A  L A  M O R T  

 

 

 

12 Juin :

 

 

J’ai 30 ans aujourd’hui et je pleure… Je regarde la photo de notre mariage, là, sur le bureau, devant moi et je pleure. J’ai passé l’après-midi à l’hôpital à jouer la comédie et je crève d’angoisse. Ce soir ils ont voulu me fêter « quand même » mon anniversaire. C’était sinistre. Encore faire semblant. Toujours faire semblant. Demain… J’ai peur. J’ai tellement peur…

 

 

 

 

13 Juin :

 

 

Tout s’est bien passé. Il s’est réveillé doucement et on s’est tenu la main longtemps sans rien dire. Il luttait tant qu’il pouvait, pauvre amour, pour ne pas se rendormir, pour rester avec moi…

 

 

Je n’aurais jamais dû accepter de venir habiter chez eux. Ses parents. Mais il a tellement insisté !… Elle n’arrête pas de se lamenter… Et pourquoi est-ce que ça lui arrive à elle ? Et qu’est-ce qu’elle a fait pour que ça tombe sur elle ? Elle ! Elle ! Elle ! Toujours elle ! Je n’en peux plus. Heureusement son père, lui… On se comprend d’un mot, d’un regard…

 

 

 

 

14 Juin

 

 

Il a repris des forces, des couleurs. J’ai guetté le chirurgien dans le couloir. Ils ne peuvent pas savoir. Ils ont râclé - il a dit râclé - tout ce qu’ils ont pu. Maintenant il faut attendre le résultat des examens, mais… mais il n’est pas très optimiste. Il a peur qu’avec les ganglions ça soit parti ailleurs. J’ai couru comme une folle n’importe où le plus loin possible. Je suis entrée dans un café au hasard et j’ai pleuré. A la table à côté un type m’a souri…

 

 

 

 

15 Juin

 

 

Il a un peu mangé. Presque pas. Il croit qu’il va bientôt sortir, que c’est fini… - Dans un mois, ce sera plus qu’un mauvais souvenir, tu verras !… Et il a ri, heureux. Je l’ai embrassé… - Bien sûr !… A l’intérieur j’étais glacée...

Dehors après j’ai marché… marché… marché… pour ne pas rentrer là-bas. Ou le plus tard possible. Pour ne pas l’entendre, elle… Au café le type était toujours là. Il m’a demandé si je travaillais à l’hôpital… - Non !… Je viens voir quelqu’un… Et tout est sorti en bousculade. Les rayons. La chimio. L’opération. L’espoir. La peur. Il m’écoutait sans rien dire… Et puis aussi avant. Quand la vie était encore normale. Le jour où tout a basculé. Le restaurant de la dernière fois sous la glycine…

Il s’appelle Julien. Je suis vidée…

 

 

 

 

17 Juin

 

 

On n’a pas encore tout, mais c’est pas bon. Il va falloir de la chimio, des rayons. Encore !… Les vomissements… l’épuisement… les cheveux… J’ai perdu pied. Il fallait que je parle à quelqu’un et je suis retournée là-bas. On a discuté. Longtemps. Il m’a redonné courage. Et espoir. Je vais me battre. Avec Etienne. Pour Etienne. Non, cette saloperie ne nous aura pas…

 

 

 

 

18 juin

 

 

Ils lui ont annoncé qu’il y aurait d’autres traitements après.. - Tu vois, ils peuvent plus se passer de moi !… Et il a ri…

Julien dit qu’il ne faut pas que je m’enferme dans la maladie avec lui, que c’est la pire des choses qui puisse arriver. Pour moi, mais surtout pour lui. Il faut que tu souffles, que tu respires, que tu VIVES . C’est le meilleur - c’est le seul -  moyen de l’aider. Tu comprends ? Il peut pas savoir quel bien il m’a fait…

 

 

 

 

19 Juin

 

 

Dans la chambre à côté un vieux n’arrêtait pas de hurler. Même à trois elles n’arrivaient pas à le calmer. Après il a pleuré tout doucement comme un bébé.

Julien m’a emmenée le long du canal. Il a absolument voulu… - Tu sors jamais !… Tu es toute blanche… C’était plein de gens heureux, insouciants, de couples qui se tenaient par la main, d’amoureux qui s’embrassaient, d’enfants qui couraient. Mais comme Etienne me manquait !…

 

 

 

 

21 Juin

 

 

J’ai posé carrément la question. Le professeur a relevé la tête… - C’est une éventualité que - malheureusement - on ne peut pas exclure… - Combien ? Deux mois ? Six mois ? Moins ? Plus ?… - Ca !… Et il a tourné les talons…

Julien m’a prise très doucement contre lui. En grand frère. Et j’ai pleuré longtemps sur son épaule…

 

 

 

 

23 juin

 

 

Ils attendent qu’il ait récupéré un peu. Et puis ils vont le monter là-haut. En chimio. Je reste avec lui. Près de lui. Je regarde par la fenêtre dehors le soleil, les arbres, les fleurs. Et c’est son dernier été. L’année prochaine… Il ne faut pas que je craque… Surtout il ne faut pas craquer… Heureusement il y a Julien. Il sait tellement trouver les mots. Il m’apaise. Il me rassure. Il me donne ma force.

 

 

 

 

25 juin

 

 

Ca m’est tombé dessus d’un seul coup. Etienne dormait et je pensais à après, à tout à l’heure, à Julien, à ses mots, à son sourire… Mais… mais tu ne penses plus qu’à ça ! C’est de la folie. Je ne vis plus que dans l’attente du moment où je vais retrouver Julien, que dans le souvenir des instants que j’ai passés avec lui, que je vole à Etienne pour être avec lui. Et ce n’est pas possible. Ce n’est plus possible. J’ai regardé Etienne dormir et j’ai promis. Je ne reverrai plus Julien. Il n’y a pas d’autre solution.

 

 

 

 

26 juin

 

 

J’ai tenu bon. Je tiens bon. Mais c’est tellement dur !

 

 

 

 

27 juin

 

 

Je me suis disputée avec sa mère. Qu’elle se taise ! Mais qu’elle se taise à la fin ! C’est son père qui nous a séparées. Il m’a emmenée dans ma chambre…     - Couche-toi ! Tu es à bout. Tout le monde est à bout. Il m’a fait avaler quelque chose et il a attendu à côté de moi dans le noir que je sois endormie. Julien doit se poser des tas de questions. Disparue comme ça. Sans un mot. Sans une explication .

 

 

 

 

29 Juin

 

 

Il a craqué… - Je vais mourir !… - Mais non, Etienne, enfin !… Tu vas guérir, tu sais bien !… Les médecins… - Non ! Je vais mourir… Je vais mourir… Tellement d’angoisse, de désespoir dans ses yeux. Mon amour ! Mon pauvre amour ! Les infirmières m’ont fait sortir… - Laissez-nous faire ! Rentrez chez vous… On s’en occupe…

Je suis allée là-bas. J ‘avais trop besoin que Julien m’aide.

 

 

 

 

30 Juin

 

 

Aujourd’hui il allait mieux. Beaucoup mieux. Il m’a lu des passages d’un livre. Il riait aux éclats. J’ai expliqué à Julien que je ne voulais plus, que je ne pouvais plus le revoir. Je lui ai dit pourquoi. Je lui ai demandé de m’aider,de me comprendre… - De quoi tu cherches à te punir ?… - Mais de rien ! C’est pas ça !  - Et moi ? Tu y as pensé à moi ?… Le pauvre ! Il était si triste, si malheureux. Il m’a prise contre lui et on a pleuré tous les deux. Je n’en sortirai jamais…

 

 

 

 

2 juillet

 

 

On commence - recommence - la chimio demain. Il est avec deux vieux qui titubent en traînant leur perf jusqu’aux toilettes. J’ai revu Julien. J’ai été dans ses bras. Et… Il m’a embrassée. J’ai honte… j’ai tellement honte…

 

 

 

 

4 Juillet

 

 

Il a vomi tout l’après-midi et je lui ai tenu la tête… J’ai décidé : demain je parlerai à son père. Il faut qu’il m’empêche de voir Julien, qu’il m’oblige. Il n’y a qu’Etienne. Je veux qu’il n’y ait qu’Etienne.

 

 

 

 

5 Juillet

 

 

Je lui ai tout dit. Tout. Dans la voiture tous les deux. Il ne m’a pas fait de reproches. En arrivant juste avant de descendre il m’a pressé l’épaule. Il va me défendre contre moi-même. Il n’y a que lui qui peut. Il m’a promis.

 

 

 

 

7 juillet

 

 

Il m’emmène à l’hôpital. Il revient me chercher. Je suis en sécurité. Protégée. Ils vont laisser Etienne tranquille quinze jours, mais, pour le moment, ils préfèrent le garder. Il faut surveiller les plaquettes, l’état général. Il est très faible.

 

 

 

 

9 Juillet

 

 

- Où tu vas ?… Juste comme j’allais sortir… - Ben, je… - Non, tu restes là ! C’était sans réplique. Et je suis remontée dans ma chambre. Je ne pense plus à Julien. Presque plus. Si. J’y pense souvent. Beaucoup trop.

 

 

 

 

10 Juillet

 

 

Au courrier ce matin j’avais une lettre de Bénédicte. Il l’a ouverte avant de me la tendre. Comme si j’avais 12 ans. Et je n’ai rien dit. Même si je voulais flancher je ne pourrais pas. C’est rassurant. Apaisant. Etienne dort presque tout le temps. La chimio l’a complètement épuisé.

 

 

 

 

11 juillet

 

 

Il a des aphtes et une mycose, mais il ne souffre pas trop.

 

 

 

 

12 Juillet

 

 

Pourtant j’ai résisté. Tant que j’ai pu. Mais voilà. Etienne dormait et… juste l’aller et retour. Juste cinq minutes. Juste le voir. Personne ne saurait rien. Oh, son regard quand il m’a vue ! Son bonheur. Je suis revenue à l’hôpital juste à temps pour son père. Je suis folle. Complètement folle.

 

 

 

 

13 Juillet

 

 

On est allés chez lui. Et…

 

 

 

 

15 Juillet

 

 

Il m’attendait en bas devant la porte de Julien. Il m’a giflée. Deux fois. Il m’a ramenée à la maison. Sans un mot… - Monte dans ta chambre ! Il m’y a rejointe… - Déshabille-toi !… Tout !… J’ai obéi. Comme une automate. Et… et il m’a fouettée à genoux au pied du lit. J’ai dû demander pardon, promettre de ne plus recommencer, de ne plus revoir Julien. Le plus humiliant c’est que maintenant je me sens soulagée.

 

 

 

 

16 Juillet

 

 

Etienne est mort cette nuit.

Par François - Publié dans : histoires méchantes, méchantes histoires
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