Jeudi 19 juillet 4 19 /07 /Juil 06:41

C O M M E R A G E S

 

 

 

- Sept heures et demi !… A sept heures et demi elle est encore rentrée, l’autre !… Presque moins vingt-cinq… Maintenant c’est tous les soirs… Faut quand même pas une heure et demi pour revenir de là-bas !… Il y a quelque chose là-dessous, ça c’est sûr… Il ne lui dira pas le contraire… Il ne lui dira rien, évidemment !… Il ne dit jamais rien… Tu m’agaces !… Ce que tu peux m’agacer… Va chercher du bois, tiens !…

 

 

- Tout le monde le dit… Tout le monde… Les gens savent bien… Une drôle de voisine qu’on vous a dégottée là, Madame Dugret, vous pouvez le dire… Pas bien intéressante… Qu’on a tout de suite vu qu’elle était pas comme nous… Une femme qui dit bonjour aux gens qu’on fréquente pas… Et fière avec ça… Que pourtant personne sait seulement d’où elle sort… Qu’il paraît… qu’il paraît qu’il y a de bonnes raisons pour ça, qu’elle y a tout intérêt parce que là où elle était avant il fallait voir ça elle… Est-ce que tu m’écoutes seulement ?… Si ça t’est complètement égal ce que je dis ce n’est vraiment pas la peine que je me fatigue… Tu crois que c’est drôle pour moi de t’avoir toute la journée planté là comme une bûche à jamais desserrer les dents ?…

 

 

- Et pourtant elle est toujours toute seule… Et elle arrive du même côté, ça c’est sûr… On le verrait… Je le verrais… Mais c’est tout ce temps qu’elle passe au garage avant de monter… Qu’est-ce qu’elle peut bien fabriquer là-dedans, tu peux me dire ?…

 

 

- Vexée, non, mais j’étais vexée, tu peux pas savoir !… Devant les deux autres en plus, la Lili et la Suzanne qui étaient encore là - comme toujours - à papoter… Comment ?… elle m’a dit… Comment ?… Vous êtes sa plus proche voisine et vous êtes au courant de rien ?… Si on peut pas compter sur vous, sur qui alors, je vous le demande… Oh, mais je l’ai pas loupée, fais-moi confiance !… Et mon ticket, madame Vermant ?… Vous me donnez pas un ticket pour mon linge ?… Et après vous irez encore raconter partout que les clients les perdent…

 

 

- Parce que je suppose que ce n’est plus maintenant, à ton âge, que tu vas te mettre à jardiner après avoir tout laissé à l’abandon pendant des années… Que j’en avais honte… Honte… Sans parler de tout ce qu’on a pu raconter derrière notre dos… Alors tu pourrais au moins, depuis le temps, me démolir cet espèce de cabanon qui ne servira jamais à rien ni à personne, qui me gâche le paysage et qui me bouche la vue… Et en profiter tant que tu y es – si ce n’est pas trop te demander – pour me couper la haie parce que j’en ai plus qu’assez de passer ma vie dans l’obscurité et dans l’humidité… Mais je ne me fais pas d’illusions : une fois de plus… une fois de plus il faudra que je finisse par me résoudre à aller demander à Ernest parce que toi…

 

 

- T’as vu ?… Non, mais t’as vu ?… Il faut qu’elle vienne nous mettre ses petites culottes à sécher sous le nez maintenant !… Elle a tout l’espace qu’elle veut derrière, tout le jardin et encore le bout de pré là-bas… Eh bien non !… Il faut justement qu’elle vienne choisir le seul endroit où elle est sûre que ça va nous embêter… Elle le fait exprès… Je te dis qu’elle le fait exprès… Et… Non, mais comment est-ce qu’on peut oser se mettre des trucs pareils sur le derrière, tu peux me dire ?… Il y a vraiment des femmes qui se respectent pas… Mais enfin il y a longtemps qu’on a compris à qui on avait affaire…

 

 

- Oui… Eh bien Madame Gimbert elle pense comme moi. Exactement comme moi : il y aurait une histoire d’hommes là-dessous que ça n’étonnerait personne… Déjà au début quand elle habitait là-bas, de l’autre côté, tout le monde se demandait s’il y avait pas quelque chose avec le fils Marchant… Probable d’ailleurs et nous, dans notre coin, on n’en a jamais rien su parce que toi évidemment à part tes mots croisés et ton journal… On se demande ce que tu peux bien aller fabriquer en ville toute la journée si tu n’es même fichu d’être au courant de ce qui se passe…

 

 

- Des heures… Des heures qu’elle y passe dans sa salle de bains à se pomponner… Et tout ça pourquoi, tu peux me le dire ?… Faut vraiment avoir rien d’autre à faire… En tout cas t’avoueras qu’elle pourrait quand même tirer le rideau jusqu’au bout, non ?… Dans la tenue où elle se promène !… Il pourrait passer des enfants sur le chemin derrière… Ou n’importe qui…

 

 

- Elle me nargue… Je t’assure qu’elle me nargue… Parce que… j’étais près du grillage en train d’essayer de regarder ce qu’elle pouvait bien être en train de fabriquer… Je l’avais pas vue de l’autre côté derrière ses troënes… Elle n’avait rien à faire là… Rien du tout… Et même pas un bonjour… Elle m’a toisée comme ça - Oh, mais c’est pas moi qu’allais baisser les yeux ! - et elle est partie en marmonnant : - Vieille commère !… Trois fois… Je t’en ficherais, moi, des vieilles commères… Non, mais elle s’est bien regardée ?… Pour qui elle se prend ?… Une femme que tout le monde sait à quoi s’en tenir sur son compte… Et qu’est même pas née ici en plus !…

 

 

- Ah, ah, cette fois !… Tu me diras pas… Ah, ah, cette fois… Tu sais pas qui j’ai rencontré ?… Devine !… La vieille madame Rimeix… - Ca va ?… - Ca va… - Vous savez pas quoi ?… Entre nous elle m’a dit… Que ça reste entre nous, hein, madame Dugret !… - Oh, vous me connaissez, madame Rimeix , vous me connaissez… S’il y en a une ici qui sait tenir sa langue… Tout le monde peut pas en dire autant… Il y avait justement la Yolande qui passait… - Oui… Entre nous… Quelqu’un les a vus… Je peux pas vous dire qui - vous me comprendrez - mais enfin c’est quelqu’un… pas n’importe qui… Dans sa voiture à elle… Avec le Bernard de la Grenache là-haut tout marié qu’il est… Si c’est pas malheureux… Avec trois enfants et une femme qui se doute de rien…

 

 

- Qu’est-ce que c’est que ces histoires ?… Qui c’est qui t’a raconté ça ?… Et toi, tu l’as cru… Evidemment tu l’as cru !… Toi, dès qu’il s’agit de la défendre tu es prêt à gober n’importe quoi… Tu parles… Laisse-moi rire !… Elle sait plus quoi inventer… Elle est acculée, oui… Voilà la vérité…

 

 

- Et puis même… Et puis même si c’est vrai que c’est pas vrai - peut-être elle a dit madame Gimbert… peut-être… - je vois vraiment pas ce que ça change… Il n’y a pas de fumée sans feu, tu le sais très bien, et d’ailleurs qui a bu boira c’est bien connu et… Qu’est-ce que ?… Ah, c’est vous, facteur !… - Eh bien, madame Dugret, on parle toute seule ?...

 

 

 

 

Par François - Publié dans : Scènes de la vie de province
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Commentaires

C'est drôle...enfin façon de parler...car Madame Dugret habite à côté de chez moi....


Pire, je crois qu'elle est multiple....


bises


Arthi

commentaire n° :1 posté par : arthémisia le: 20/07/2007 à 00h30
Il y en a des madames Dugret... Des quantités... Partout aux aguets... Prêtes à vivre par procuration ce qu'elles ne se donnent pas le droit de vivre... Ou à prêter aux autres les perversions dont elles rêvent en secret...
réponse de : François le: 23/07/2007 à 07h02
Hé hé hé... on s'y croirait (lol) elle est à la fois touchante et exaspérante ; et que ferait-on sans elle pour pimenter nos histoires ! ce serait tout triste. :o)
commentaire n° :2 posté par : Claire le: 02/10/2008 à 12h27

On doit la rencontrer à peu près partout!... Une existence tellement vide qu'on va s'emparer de n'importe quoi pour la remplir un peu et faire grief aux autres de ce qu'on est incapable d'accepter en soi...

réponse de : Fabien le: 02/10/2008 à 17h26

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