Jeudi 5 juillet 4 05 /07 /Juil 07:06

L A     L U B I E ( 5 ) 

 

 

 

- Mais oui, maman, je sais… je sais !… Tu me l’as déjà dit cent fois… Entre plutôt… Tu connais Richard… Vous pouvez vous embrasser maintenant quand même, non ?!… Lui, là, c’est Antoine… Un copain qui habite juste au-dessus… Enfin au-dessus du dessus… Il nous aide pour l’installation, l’électricité, repeindre la cuisine, tout ça… Heureusement qu’on l’a, sinon… Lâche ton pinceau deux minutes, Antoine !… Viens avec nous : on va se boire un thé… Quand il est lancé, lui, plus moyen de l’arrêter… Alors comme ça papa n’a pas voulu venir avec toi ?…

- Mais non, Sandrine, enfin, non !… Pas du tout !… Qu’est-ce que tu vas chercher ?… Non… Seulement, comme par un fait exprès, juste au moment où on allait partir voilà Lambert qui s’amène… Tu connais Lambert : ils y seront encore ce soir… Du coup je suis venue toute seule… - Non, Richard, non… Au-dessous le thé… Derrière le Nescafé… On est obligés de tout rentrer, tu comprends, avec la peinture pour pas que ça prenne l’odeur… Alors c’est vrai pour papa ?…  

- Puisque je te le dis !…

- Je me demande… Il peut pas le voir Richard, papa… C’est pas parce qu’il l’a rencontré trois fois entre deux portes… Mais bon !… Ca fait rien !… J’m’en fous !… Alors comment tu trouves ?…         

- Quoi ?…

- Ici… Comment tu trouves ?…

- Bien… Oui, ce sera bien…

- Oui, hein ?… Un peu petit quand même… Surtout quand j’aurai ramené toutes mes affaires… Ca y est !… Antoine qui a déjà repris le pinceau… Quand je te disais qu’on peut pas l’arrêter… Heureusement que samedi il y a le mariage de sa sœur… Il va pouvoir se reposer un peu… Ah oui, tiens, à propos, tu pourrais pas lui montrer, toi ?… Parce qu’on veut que ce soit lui qui fasse les photos et on lui a prêté un appareil d’un compliqué, mais d’un compliqué, je te raconte même pas !… Tu l’as là-haut, Antoine ?… Eh bien allez-y !… Ce sera fait…

 

 

Comme toujours. Comme chaque mardi depuis…

- Depuis quand déjà au juste?

- L’année juste après la mort de ton père… En avril… Tu te rends compte toutes ces fois que ça fait…

Elle égoutte sa cuiller au-dessus de la tasse à petites secousses sèches, précises, du poignet.

- On en aura vu défiler des serveuses !… Et même des patrons…

Elle la dépose avec précision, dos en l’air, sur le rebord de la soucoupe…

- Alors comme ça tu dis que tu as des nouvelles ?

- Oui… Oh oui… Cyrille, tu sais !…

Sourire…

- Une lettre chaque semaine… Au moins… Quelquefois plus… De sa toute petite écriture serrée… Avec tout plein de détails et d’anecdotes… Et des photos… Beaucoup de photos… Pour qu’on se rende bien compte…

- Et ça lui plaît ?

- Oui… Oui et non…

- Quelle idée aussi d’aller courir là-bas !… Comment veux-tu qu’avec des gens comme ça…

- Il adore son travail… Et puis, tu sais, Cyrille a toujours été un grand solitaire… Ne voir personne, ne fréquenter personne cela ne le gêne pas beaucoup… Au contraire même…

Elle picore machinalement, du bout de l’ongle, les miettes tombées sur la nappe.

- Et Sandrine ?

- Oh, Sandrine, elle !… Ca va… Ca va…

- Tu n’as pas l’air très convaincue !…

- Si !… Oh, si !… Elle mène son petit train train à sa façon… Les études… Les copains… Alors s’il y a quelqu’un pour qui je ne me fais vraiment aucun souci…

- Oui… Eh bien tu as tort… Crois-moi , tu as tort… Vous lui laissez beaucoup trop la bride sur le cou à cette gamine !… Beaucoup trop… Vous le paierez un jour… Forcément…

- Mais non, enfin, maman, voyons, ce n’est pas parce que…

- On verra… On verra… On en reparlera…

 

 

- Tiens, tu t’y remets ?!…

- Ah non, Guillaume, non !… Ca va pas recommencer !… Je finis une malheureuse pellicule qui traînait depuis des mois dans mon appareil, un point c’est tout !… Alors je t’en prie ne va pas encore te mettre à imaginer je ne sais trop quoi…

- Mais je n’imagine rien du tout enfin !

- Si tu crois que je te connais pas !… Que je ne sais pas ce que ça veut dire quand tu prends cet air-là… Alors tu es incapable d’empêcher ta fille de faire les pires âneries, mais quand il s’agit de ta femme, d’être sur son dos sans arrêt, de trouver à redire dès qu’elle lève le petit doigt, là par contre !…

- Mais enfin tu sais très bien que…

- C’est ça !… Joue les maris modèles !… Joue les grands libéraux !… Ca te va bien… Tu veux que je t’aide ?… Que je te souffle ?… Depuis le temps, tu penses, je connais le rôle par cœur : mais voyons, Viviane, ma petite chérie, tu sais très bien que si ça te fait tellement plaisir la photo !… Mais si, mais si, c’est moi qui te le demande !… D’ailleurs tu as un vrai talent ça ne fait aucun doute, tu l’as assez prouvé… C’était vraiment très bien, très très bien, ce que tu faisais, je t’assure !… C’est quand même pas maintenant que tu vas laisser tomber juste au moment où… Et patati et patata !… Et moi, si j’ai l’idiotie de te croire, de m’y remettre comme une imbécile, je vais me passionner et quand je serai bien mordue, que je ne pourrai plus m’en passer, tu vas me trouver un prétexte quelconque… n’importe quoi… le premier truc qui te passera par la tête… Ou bien tu vas me tirer une telle gueule pendant des soirées et des soirées entières que je saurai très bien ce qui me reste à faire… Parce que rien que l’idée que je puisse vivre quelque chose - n’importe quoi - en dehors de toi ça te rend malade… Et tu as toujours tout fait - tout - pour que je…

- Mais qu’est-ce que tu racontes ?

- Ce n’est pas vrai peut-être ?

 

 

Par François - Publié dans : regards.croises
Ecrire un commentaire - Voir les 0 commentaires
Retour à l'accueil

Calendrier

Avril 2024
L M M J V S D
1 2 3 4 5 6 7
8 9 10 11 12 13 14
15 16 17 18 19 20 21
22 23 24 25 26 27 28
29 30          
<< < > >>

Recherche

Créer un blog sexy sur Erog la plateforme des blogs sexe - Contact - C.G.U. - Signaler un abus