Lundi 11 juin 1 11 /06 /Juin 06:05

S T A G E      D’E C R I T U R E

 

 

 

Il était libre… Il était libre et - aussitôt - Ariane l’aima… Comme jamais - jusque là - elle n’avait encore osé aimer personne…

- C’est lui !… Cette fois c’est bien lui, Mélie, j’en suis sûre !

Dans l’herbe Mélie recommençait la même page… Pour la quatrième fois au moins… La lui tendait…

- Tu crois que ça ira ?

- Mais bien sûr que ça ira !… Tu compliques toujours tout… Ca va très bien… Très très bien… C’est lui… Enfin !… Tu vois qu’on a bien fait de venir finalement… Je le sentais… je te l’avais dit…

Mélie hochait la tête…

- Je sais pas… Je crois que je vais quand même réécrire la fin…

- Des années… Des annés que… Je suis heureuse, tu sais !… Je l’aime…

 

 

Lui aussi… Lui aussi, il l’aimait… Ca crevait les yeux…

- T’as vu comment il me regarde ?

- Je vais encore passer pour une gourde, soupirait Mélie… J’y arrive jamais… C’est tous que des profs… Ou des étudiants…

- Mais non, mais non, qu’est-ce que tu vas encore chercher ?… Te pose pas tant de questions… Ils sont très jolis tes poèmes… C’est pour moi qu’il écrit… C’est pour moi, j’en suis sûre !

Ses textes étaient si beaux, tout retenus au bord d’eux-mêmes, si délicats…

- Ca fait pas vrai, disait Mélie, ça fait copié dans des livres…

Quand il lisait il ne levait jamais la tête… Elle regardait les autres attentifs, subjugués… Leur admiration la rendait fière…

- Et c’est moi qu’il aime !… Tu te rends compte, c’est moi qu’il aime !…

Même Madame Bernier ne trouvait rien à redire… Ou des détails sans importance… Parce qu’il fallait bien… elle était là pour ça…

Quand c’était son tour à elle elle ne le regardait jamais… Juste - quelquefois - un coup d’œil très vite sur Mélie au fond…

- Arrête, écoute, quand tu fais ça ça me donne envie de rigoler…

Plus tard il lui apprendrait, il lui montrerait… Avec lui tout serait si facile…

 

 

Le soir, quand la chaleur s’épuisait, ils se réunissaient sous le tremble… Ils étiraient encore la journée, s’efforçaient de la tenir longtemps au bout de leurs mots qui trouaient le silence… Dominique ou Lydia ou Séverine lançait ses rêves tout haut, dans la pénombre, et se mettait à y croire à cause de leur silence… Pauvres chimères dont elles finiraient par se réveiller un jour, douloureuses et meurtries… Elle, elle l’avait, lui… Elle avait leur amour… Qui n’avait pas besoin de tant de grands mots…

Après, plus tard, ils étaient parmi les derniers à rentrer - à regret, à la nuit noire - quand la fraîcheur était depuis longtemps tombée… Elle songeait alors, bras sous la tête, à leur journée qui finissait, à lui qui dormait si près, à l’instant où il viendrait enfin lui dire que…

- Tu dors, Mélie ?

- Quoi ?… Qu’est-ce qu’il y a ?…

- Il m’aime… Je suis heureuse…

 

 

Le matin, quand elle se réveillait, il était déjà là-bas, à écrire, dans les taches de soleil…

- Qu’est-ce que tu fabriques encore ?… Laisse ce rideau tranquille, écoute !… Laisse-moi dormir, implorait Mélie…

Elle souriait… Il y aurait tant et tant d’autres matins comme celui-là… des matins de bonheur…

Elle descendait le rejoindre, s’installait… Pas trop loin pour être avec lui, pas trop près pour ne pas le déranger… Il ne levait pas la tête, continuait à noircir des feuillets qu’il éparpillait au fur et à mesure tout autour de lui… Elle écrivait aussi… Faisait semblant… Le regardait… Tout à l’heure il lui sourirait… Ils se lèveraient… Ils remonteraient l’allée tous les deux lentement, côte à côte, graviraient le perron et feraient leur entrée ensemble - tous les regards sur eux - dans la grande salle voûtée du petit déjeuner…

 

 

- Alors ?

- C’est mieux, tu sais, Mélie, c’est tellement mieux qu’il n’ait encore rien dit…

 

 

Et puis ce fut le dernier soir sous le tremble… Les autres échangeaient des adresses, se promettaient de se revoir - Juré, hein ? - de se tenir au courant… On n’allait tout de même pas se quitter comme ça… Lui, il se taisait… Lointain… Préoccupé… Absent… Elle savait tellement bien ce qu’il éprouvait tout au fond de lui… Elle s’approcha, silencieuse, émue et prit doucement sa main dans l’obscurité… Dans le parc ils marchèrent longtemps sans rien dire, serrés l’un contre l’autre… Ils s’arrêtèrent très loin et…

 

 

- Ca y est, Mélie !… Mélie, ça y est !

 

 

Le dimanche elle s’élança vers lui, heureuse… Elle fut dans ses bras et ils eurent leur premier restaurant… Ils se souriaient, ils se regardaient, ils se savouraient… Il l’enveloppait d’attentions et elle s’abandonnait… Ils parlèrent de leur semaine là-bas, de Madame Bernier, du stage, des autres…

- Non, mais franchement, tu as compris comment la petite Elisa était venue atterrir là ?

- Et Marion !… Qui confond les mots les uns avec les autres…

Et puis elle lui dit pour eux :

- J’ai su tout de suite… tout de suite… avant même que toi tu…

Il fit signe au garçon

- Vous pensez à nos cafés ?

Elle voulut savoir ce qu’il écrivait, mais il était devenu lointain soudain, distant…

Elle insista…

- Oh, des mômeries sans importance, conclut-il agacé… J’ai passé l’âge de jouer au génie incompris…

Elle voulut revenir à eux :

- C’est vrai… J’ai su tout de suite… Tu ne voyais que moi… Tout le monde s’en rendait compte… Tout le monde… Et j’ai compris que notre amour…

Il glissa le chèque sous l’addition, se leva…

- On va chez toi ou chez moi ?

 

 

- Tu sais, Mélie, il a tellement souffert, il s’est tellement replié sur lui-même, par la force des choses, que dire ce qu’il éprouve vraiment c’est impossible pour lui… Mais je saurai lui apprendre à se donner libre cours, tu verras…

 

 

Ils se revirent le lendemain…

- Tu comprends, ce n’est pas avec les mots qu’il exprime ce qu’il ressent… C’est avec ses yeux… Avec son corps… Avec tout lui…

 

 

Le surlendemain aussi…

- Nous sommes si bien… Si bien… Si tu savais !…

 

 

Et tout le reste de la semaine…

- Il faudra que tu penses à prendre tes dispositions parce qu’on va bien finir par s’installer ensemble, lui et moi…

 

 

Ensuite ils furent plusieurs jours sans se voir… Plusieurs longs jours…

- Il a ses occupations, ses obligations… On se verra dimanche…

 

 

Mais le dimanche matin, au téléphone…

- C’est pas vrai !… Mais pourquoi ?… Hein ?… Mais dis-leur n’importe quoi… Invente, je sais pas, moi !…

Elle insista longtemps, beaucoup… Il finit par s’emporter et par raccrocher…

- C’est contre lui-même qu’il est furieux, tu vois, Mélie… Jamais il n’a aimé avec autant d’intensité… Ca lui fait peur…

 

 

Et puis ils se virent quand lui le décidait… De temps à autre… De moins en moins souvent…

- Je ne veux surtout pas lui peser… Il faut que je sois à la fois légère et présente…

 

 

Il y eut un soir baigné de larmes…

- Tais-toi, Mélie, tais-toi, je t’en prie, ne dis rien !

 

 

Les soirs suivants aussi…

- Le salaud !… Mais tu verras, il comprendra un jour… Il s’en mordra les doigts… Seulement ce sera trop tard… pour moi ce sera fini… Et bien fini…

 

 

Il ne fut plus question de lui… Plus du tout… Plus jamais…

- T’as vu, Mélie ?… Il y a un forum d’astrologie à Montauban en novembre… On y va ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Par François - Publié dans : regards.croises
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