Dimanche 2 novembre 7 02 /11 /Nov 20:25

Jeudi 29 Juin 2034

 

Dès qu’elle m’a aperçue elle s’est agenouillée. D’elle-même. Sans que je lui demande quoi que ce soit. Je l’ai superbement ignorée. Une fille est entrée qui lui a lancé un regard stupéfait. Une autre. Qui s’est figée sur place. Elles sont sorties toutes les deux l’une derrière l’autre, ont bruyamment éclaté de rire dans le couloir. Devant la glace j’ai pris tout mon temps. Beaucoup plus encore que d’habitude. Je me suis lentement retournée. Je me suis approchée. Elle a fermé les yeux dans l’attente des gifles. Qui ne sont pas venues. Je l’ai brusquement empoignée par la tignasse et je lui ai enfoui la tête sous ma robe. Elle a hésité un long moment et puis elle a timidement posé ses lèvres sur ma culotte, m’a lissée de la langue à travers, a voulu passer dessous. Je l’ai violemment repoussée du bout du pied… - On t’a demandé quelque chose ?… Elle est tombée à la renverse… - La prochaine fois tu attendras qu’on te sonne…

 

Les yeux d’Iliona brillaient… - Et après ?… Qu’est-ce que t’as fait après ?… Tu l’as giflée ?… - Non… Je me suis tirée… - C’était peut-être la dernière fois… Elle repiquera peut-être pas l’année prochaine… - Oh, alors ça je suis bien tranquille que si… D’une façon ou d’une autre elle se débrouillera pour revenir… Elle est bien trop accro… - Et toi , tu vas faire quoi ?… Tu vas continuer ?… - J’en sais rien… Souvent je me dis que non… Que ça n’a pas de sens… Que je suis plus une gamine pour me conduire comme ça… Mais dès que je l’ai, là, à baver devant moi, prête à tout encaisser – tout et n’importe quoi – pourvu que ça vienne de moi, je peux pas m’empêcher… J’ai envie de pousser plus loin… Pour voir jusqu’où je peux aller… Même si je le sais déjà… - Pour te faire plaisir plutôt, non ?… A moi tu peux bien le dire… Je n’ai pas répondu.

 

 

 

 

Vendredi 30 Juin 2034

 

Il y a des moments où ça ne peut pas ne pas sauter à la figure. L’an dernier, quand j’ai pris ce même train pour La Rochelle, il y avait tout un groupe de jeunes – garçons et filles – qui riaient et plaisantaient, heureux de vivre, de partir en vacances ensemble. Je les regardais, insouciants et gais. Je leur souriais, confiante, pleine de projets d’avenir. Comme eux. Aujourd’hui la plupart des garçons sont morts. Les rares survivants – s’il y en a – sont enfermés pour des années. Peut-être à vie. Quant aux filles… si je regarde autour de moi, là, qu’est-ce que je vois ? De l’autre côté de l’allée, juste en face, il y en a une qui pleure toutes les larmes de son corps, la joue contre la vitre. Personne ne s’occupe d’elle, ne se soucie d’elle. Les réserves de compassion sont épuisées. Derrière il y en a deux qui se font face. Elles sont manifestement en couple. Elles n’ont pas échangé trois mots depuis une heure qu’on est partis. Il y a plusieurs femmes accompagnées de gamines. C’est hallucinant. Parce que il y en a aucune – absolument aucune – qui joue. Elles sont simplement assises, le regard vide, amorphes, sans manifester le moindre intérêt pour quoi que ce soit. Et c’est à proprement parler terrifiant. Sans doute partent-elles en vacances. Il est facile d’imaginer ce que seront leurs vacances. Et leur vie. Toute leur vie.

 

 

 

 

15 heures

 

Grand mère m’attendait comme le Messie. Elle avait mis les petits plats dans les grands. Avec les moyens du bord. C’est-à-dire des substituts. Des substituts de ci. Des substituts de ça. C’était poignant de voir quels trésors d’ingéniosité elle avait dépensés pour que tout ait l’air d’être le plus possible exactement comme avant. Pour moi. Pour que je retrouve un peu le goût de mes vraies vacances. Parce que elle, elle est ailleurs. Ou plutôt elle n’est nulle part. Ce n’est pas qu’elle déraille. Non. Au contraire. Elle a toute sa tête. Elle est même beaucoup plus lucide qu’elle l’a jamais été. Et que bien des femmes que je connais. Non. Mais elle n’est plus là. Son monde n’existe plus. Le nôtre n’existe pas. Alors elle reste en suspens. Dans l’attente de quelque chose à quoi se raccrocher momentanément. Pour le moment c’est moi.

 

 

 

 

22 heures

 

Je me suis forcée à aller jusqu’à La Rochelle même. Je savais à quoi m’attendre : il y a eu suffisamment de reportages ces derniers mois . Ca ne m’a pas empêchée d’accuser violemment le coup. C’est terrifiant. Terrifiant et sinistre. On fait monter les touristes dans des embarcations – je me suis jointe à eux – qui errent dans ce qui était, il n’y a pas si longtemps, des rues animées et prospères. Tout est désert. Désert et inondé. Abandonné. Et ce silence… Insupportable ce silence… A la sortie on vend des cartes postales d’avant. Sans commentaires.  

Par Fabien - Publié dans : 2034
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