Jeudi 9 octobre 4 09 /10 /Oct 07:20

Lundi 5 Juin 2034

 

Je plais, c’est une évidence. Ca m’étonne encore, mais de moins en moins. Je plais aux femmes. Et je leur plais tout simplement parce que j’ai envie de leur plaire. Je le fais avec une volupté intense. Je m’offre délibérément aux regards. Je les capture. Je les captive. Je feins de les ignorer. Ils ne s’en font que plus haletants. On m’enrobe de désir. On m’enveloppe dans ses replis. J’en fonds de plaisir. On me tourne autour. On me courtise. On tente sa chance… Ca enchante Valentine à qui je rends un compte scrupuleux des admirations que je suscite, qui m’écoute sans jamais se lasser, qui me harcèle de questions… On y passe des heures… De temps à autre je m’interromps brusquement… - Ca fait quand même la fille vachement prétentieuse finalement tout ça, non ?… Elle sourit. Elle m’embrasse… - Quand on est belle comme tu l’es, quand on a le charme que tu as, on n’est pas prétentieuse. On ne peut pas être prétentieuse. Seulement lucide.

 

 

 

 

Mardi 6 juin 2034

 

On refusait de le voir. D’y croire. Ca allait revenir. C’était une mauvaise passe. Les conséquences du mauvais temps. Des difficultés d’approvisionnement passagères. Mais il faut bien se rendre enfin à l’évidence : il n’y a pratiquement plus de fruits et légumes. Ceux qu’on parvient à trouver sont hors de prix et ne ressemblent que de très loin à ce qu’on avait l’habitude de consommer. Si ça va s’arranger ? Vraisemblablement non. Parce que d’après les informations qu’on nous dispense avec mille précautions les abeilles auraient quasiment disparu de la surface de la terre. Et sans abeilles pas de pollinisation. On nous assure qu’on travaille à la mise en place de solutions de substitution, que d’ici quelques semaines tout devrait être rentré dans l’ordre. Evidemment !… Elles ne vont pas dire le contraire… Mais ce sera quoi demain ?… Le pain ?… La viande ?… Le fromage ?… Ben oui !… Inutile de se bercer d’illusions. Tout. Peu à peu tout va y passer. On va être privées de tout. Et on ne réagit pas. On est toutes comme anesthésiées. Réagir ? Mais comment ? Contre qui ? Pour faire quoi ? Ca nous dépasse complètement tout ça. Ca dépasse tout le monde. Et d’abord et avant tout nos gouvernantes. Alors à part faire le gros dos. Et vivre. Au jour le jour. VIVRE. Le plus possible. Parce que ce qui nous attend…

 

 

 

 

Jeudi 8 Juin 2034

 

J’étais seule, en train de me refaire une beauté, dans les toilettes de la fac. Une fille est entrée. Que je ne connaissais pas ou à qui, du moins, je n’avais jamais prêté la moindre attention. Sans doute une première année. Elle s’est postée derrière moi et elle m’a regardée dans la glace. Fixée. Avec une admiration béate. Subjuguée. En adoration. J’ai fait durer, interminablement durer et puis je me suis retournée. Elle n’a pas bougé. Elle a soutenu mon regard. Ses lèvres tremblaient. Je n’ai pas su que j’allais le faire. Jusqu’au dernier moment je ne l’ai pas su. C’est parti tout seul : une gifle. Une gifle à toute volée qui lui a jeté la tête de côté et imprimé la marque de mes doigts sur la joue. Et je l’ai plantée là sans un mot.

 

Pourquoi ? Pourquoi j’ai fait ça ? Je n’en ai pas la moindre idée. Je ne savais seulement pas que j’en étais capable. Surtout comme ça sans raison. Parce que qu’est-ce que j’avais à lui reprocher à la fille ? Rien. Absolument rien. Au contraire. Elle bavait d’admiration devant moi. C’était plutôt flatteur. Et je l’ai remerciée d’une grande beigne. Elle doit encore être en train de se demander ce qu’elle a bien pu faire pour mériter ça. Moi aussi. Juste après, pendant le cours de sémantique, j’étais assise à côté d’Iliona. Et je lui ai tout raconté… - A  ton avis qu’est-ce qui m’a pris ?… Elle a réfléchi un long moment… - Peut-être que tu lui reprochais de pas être un homme ?… Que c’est par un homme que tu aurais voulu être admirée comme ça… Tu l’as punie de pas en être un… Ca, ce sont ses explications à elle. Pour Iliona tout continue à passer inexorablement par les hommes. Non. Elle est bien pire que ça la vérité : c’est que cette fille elle a une tête à claques.

 

 

 

 

22 heures

 

Ce soir Monelle avait ramené des fraises… - Hein ?!… Mais t’as pu trouver ça où ?… - C’est mon secret… - T’as dû les payer la peau du cul… Il y en a nulle part… Elles étaient plus sucrées que celles dont j’avais conservé le souvenir. Avec un arrière-goût de réglisse qui surprenait un peu… - Alors, elles sont bonnes ?… Elles étaient bonnes, oui… Et puis ça faisait tellement plaisir d’en manger depuis le temps… Elle a ri… - Vous vous êtes bien fait avoir… Comme moi d’ailleurs la première fois… Ce sont pas des fraises… Ce sont des imitations puisque des vraies il y en aura plus maintenant… C’est drôlement bien réussi, hein ?!… Ils vont aussi faire des cerises, des pêches, enfin tout, quoi !… J’ai couru me réfugier en larmes dans ma chambre. Je venais brusquement de réaliser. Plus jamais un vrai fruit. Plus jamais. Tant de « plus jamais » depuis quelques mois.

 

Par Fabien - Publié dans : 2034
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Commentaires

Envie, rire et tristesse (prise de conscience)... tiens mais c'est le résumé de ma journée...

J'aime beaucoup ce récit (28)

Bisous

PS : Comme quoi y a que les imbéciles qui changent pas d'avis, si vous voyez ce que je veux dire...
 

commentaire n° :1 posté par : Karine le: 09/10/2008 à 21h13

Internet se prête sans doute moins aux récits au long cours qu'aux récits beaucoup plus brefs. Je suis ravi que vous ayez aimé ce moment de cette histoire...

A bientôt...

Bisous

 

réponse de : Fabien le: 10/10/2008 à 06h04

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