2034

Dimanche 28 septembre 7 28 /09 /Sep 18:40

Vendredi 26 Mai 2034

 

Valentine a fait la moue… - Il n’en sait rien du tout ton Christopher en fait… Dans le contexte actuel on entend tout et le contraire de tout… N’importe qui affirme n’importe quoi… Et on peut trouver de quoi justifier scientifiquement les a priori les plus contradictoires… Qu’il faille prendre la situation au sérieux c’est évident, mais de là à en dresser un tableau apocalyptique… Tu auras toujours des optimistes béats et des pessimistes radicaux… Ce sont rarement eux qui trouvent des solutions. Parce qu’ils n’ont pas du tout envie qu’il y en ait… - Ce que je voudrais pas, surtout, dans l’immédiat, c’est qu’il fasse une grosse connerie Christopher… Qu’il se tire du centre et qu’il aille se ramasser cette saloperie de virus… - Il ne le fera pas… Il y pense… Il en rêve… Ce qu’on peut comprendre : ça fait des mois qu’ils sont enfermés là-dedans… Sa fuite il passe son temps à la construire… A l’argumenter… A s’en donner quotidiennement la représentation… Tu lui as servi de public hier soir… Tu as donné à son départ un semblant de réalité… C’est suffisant… Il ne partira pas : il sait trop bien ce qu’il risque… Il restera bien sagement là où il est. A l’abri. Loin d’un monde extérieur qu’il est de moins en moins en état d’affronter au fur et à mesure que le temps passe… Il ne court aucun danger… - Tu crois ?… - Je crois pas… Je suis sûre…

 

 

 

 

Samedi 27 Mai 2034

 

On a pris la route à cinq heures… - Et si ça tombe elle va pas venir… - Bien sûr que si !… Elle t’a dit quoi au téléphone ?… - Ben ça… Qu’elle me rejoindrait sur la plage… Et qu’après on aviserait… - C’est tout ?… - Oui… Elle avait l’air surprise… Comme si je lui étais sortie de l’idée… C’est pour ça… Si ça tombe elle avait prévu autre chose… Elle viendra pas… Elle en a rien à foutre de moi… - Oui… Alors ça !… Il y a pas de risque… Quand on voit comment elle te dévorait des yeux… Non… Elle s’attendait pas à ton coup de fil… Surtout aussi tôt… Elle est tombée des nues… Elle doit se maudire maintenant de n’avoir pas mieux réagi… Et être sur son petit nuage…

 

- Eh !… Tu vas où ?… C’est là l’hôtel… - J’ai réservé ailleurs… C’était un truc grand luxe en front de mer… - T’es complètement folle… Ca doit coûter une fortune un machin pareil… - T’occupe !… C’est mes oignons… - Et ce balcon !… On est pratiquement sur la plage… - Comme ça je pourrai surveiller ce qui s’y passe… A condition bien sûr que vous ne vous éloigniez pas trop toutes les deux… Bon, mais viens !… Je vais te montrer ta chambre… - Ma chambre ?… Comment ça ma chambre ?… - Tu auras très certainement envie de la ramener… Vous aurez besoin d’un peu d’intimité toutes les deux… Et moi je suis supposé ne pas exister… Mais j’aurai le balcon pour être un peu avec vous… - Tu es machiavélique… Epouvantablement machiavélique… - Ca te choque tout ça ?… - Non… Je t’adore… Et on a roulé toutes les deux fougueusement sur le lit…

 

A peine le temps de m’installer – juste sous les fenêtres de l’hôtel – et elle a surgi de nulle part… - Salut !… T’es arrivée drôlement de bonne heure, dis donc !… Mais t’as raison… C’est le matin qu’on en profite le mieux… Quand il y a pas trop de monde… Elle est toujours pas avec toi ta copine ?… Non ?… C’est tous les week-end qu’elle travaille alors ?!… Et tu t’ennuies pas trop toute seule ?… Oh mais ici, t’auras pas le temps, tu verras… Je t’emménerai dans tout un tas d’endroits… Je te ferai rencontrer des filles… Et des pas tristes… Si tu veux, bien sûr… - C’est gentil, mais du monde, tu sais, j’en vois en pagaille toute la semaine… Alors je préfèrerais rester au calme, là, sur la plage… Toute seule… Ou à discuter tranquillement avec toi… - Oui, ben franchement, moi aussi…

 

Et on a parlé. De tout. De rien. D’elle. De moi. Elle travaillait dans un cabinet d’architecte. Ca lui plaisait. Sans plus. Elle en avait une, elle aussi, de copine, oui, mais bon... Ca durerait ce que ça durerait. Et moi ?… C’était sérieux avec la mienne ?… J’ai éludé… Elle n’a pas insisté… - Oui… Tu veux pas en parler… C’est pas facile… Pour personne…  

 

- Ca commence à cogner sérieux… - Pas mal, oui… - J’ai de la crème… Tu veux que je t’en passe ?… Elle n’a pas attendu la réponse. Elle s’est agenouillée et a doucement massé les épaules, les omoplates, le dos, à petites touches fermes et légères à la fois… - Tu sais y faire… - C’est surtout que j’aime bien … Les reins… Le creux des reins… Sous l’élastique du maillot le haut des fesses… Les fesses… Je me suis abandonnée… Voluptueux bien-être… Elle est descendue entre elles, s’est aventurée plus bas, plus loin… - Non… S’il te plaît… Non… Il y a du monde autour… - On va quelque part alors… - C’est là-haut que je suis à l’hôtel… Juste au-dessus…

 

Elle s’est redressée, appuyée sur un coude… - J’étais sûre que je t’aurais… Sûre… Dès que je t’ai vue je me le suis dit : « Celle-là, elle est pour moi… Il me la faut… Sous ses airs de Sainte-Nitouche… »… Ca n’a pas été bien difficile finalement… Beaucoup moins que je croyais… Elle te contente pas ta copine ?… - Oh si, si !… Bien même… Pourquoi tu demandes ça ?… - Non… Je sais pas… Comme ça… Vu comment t’as joui… On dirait que t’es sevrée depuis des semaines… J’ai souri… - Tu t’y prends si bien… Je pouvais quand même pas lui dire que savoir Valentine là, tout près, à côté, à nous épier ça me mettait dans tous mes états… 

Par Fabien - Publié dans : 2034
Ecrire un commentaire - Voir les 0 commentaires
Jeudi 25 septembre 4 25 /09 /Sep 06:22

Mercredi 24 Mai 2034

 

Maintenant que j’y suis – grâce à Valentine – attentive je suis bien obligée d’admettre que je ne laisse pas indifférente. Que ce soit à la fac, dans la rue, ou ailleurs. Et j’avoue que l’intérêt qu’on me porte à l’évidence – quelquefois de façon extrêmement appuyée – ne laisse pas de me surprendre. Je ne me suis jamais considérée comme laide, mais je ne me suis jamais ressentie non plus comme une beauté irrésistible. Plutôt banale. Comme il en existe des milliers. Alors pourquoi moi ? La question fait beaucoup rire Valentine… - Et pourquoi pas toi ?… Elle m’embrasse… - Tu es trop dans ton genre… Je ne te connaîtrais pas aussi bien je penserais que tu nous fais le coup de la fausse modestie… Mais tu es belle, Roxane !… Tu es belle !… Et surtout… surtout… tu as quelque chose… quelque chose d’indéfinissable… quelque chose que les autres n’ont pas… Quelque chose qui fait qu’on ne peut pas ne pas te remarquer… - Et c’est quoi ?… - Ca !!!…

 

 

 

 

Jeudi 25 Mai 2034

 

Ca continue. Je plais, c’est clair et il faut bien reconnaître que c’est, ma foi, fort agréable. Ca ressemble un peu à ce que je pouvais éprouver avant quand je sentais que le regard des hommes s’attardait sur moi. Je n’en ai jamais vraiment joué – j’étais sans doute trop jeune ou trop complexée – ni vraiment profité – il y avait Kerwan – ça y ressemble un peu, oui, mais c’est quand même très différent. Et beaucoup plus gratifiant. Parce que les hommes ont toujours été les hommes : prêts à simuler toutes les admirations pour obtenir ce qu’ils voulaient. Et on n’était au fond jamais vraiment dupes. Même si on faisait souvent semblant de l’être. Avec les femmes on est dans un autre registre. Entre égales. Elles savent de quoi elles parlent. Leur admiration n’est jamais feinte. Et quand elles te désirent – si elles te désirent – c’est en toute connaissance de cause. Pour toi. Le désir des hommes, lui, se nourrissait de ce qu’ils croyaient que tu étais ou de ce qu’ils avaient envie que tu sois.

 

Reste que je ne m’explique pas pourquoi, jusqu’à présent, je ne m’étais pas rendu compte de l’effet que je produisais sur les autres femmes. Sur certaines d’entre elles en tout cas. Monelle a une explication... Monelle a toujours des explications pour tout… - C’est tout simplement qu’avant elles ne te regardaient pas… Et elles ne te regardaient pas parce que tu n’avais pas envie de leur regard sur toi… C’est pas plus compliqué que ça… C’est peut-être pas compliqué, mais c’est pas vraiment convaincant non plus…

 

 

 

 

 

23heures30

 

Christopher envisage sérieusement de s’évader… - T’évader ?… Comment ça ?… Où ça ?… - N’importe où… Droit devant moi… - Tu vas quand même pas faire un truc pareil ?!… - Ben pourquoi ?… - Tu te rends compte des risques que tu prendrais ?… On t’aurait vite repéré de toute façon… Et rattrapé… - Pas si je me débrouille bien… Il y a des tas de cachettes possibles… - C’est de la folie !… Avec le virus… - Je vais mourir ?… Et alors ?… Un peu plus tôt un peu plus tard… Tu les regardes les infos ?… Pas les officielles… Non… Les autres… Les vraies… Moi, si !… J’ai le temps… J’ai  que ça à foutre… Et c’est éloquent… On va tous mourir… Tous… Vous comme nous… Et de la pire des façons… On va mourir de faim… - C’est pas ce que dit la ministre… On fait partie des rares pays dont les stocks alimentaires atteignent un niveau satisfaisant… - Parce que tu imagines que les autres ils vont se laisser crever en nous regardant manger ?… Ben non… Non… Quand t’as plus rien, mais ce qui s’appelle rien, à te mettre sous la dent eh ben tu vas là où il y a quelque chose… Ce sont des millions de réfugiées qu’on va voir débarquer dans les mois qui viennent… Qui vont se répandre partout avec une seule idée en tête… Manger… Manger… Manger… On va les arrêter ?… Comment ?… En déployant l’armée aux frontières et en tirant sur tout ce qui bouge ?… Il en passera quand même… Et quand bien même on y arriverait c’est reculer pour mieux sauter… Les terres sont épuisées… Si on réussit, ici ou là, à faire malgré tout, pousser quelque chose les parasites et les maladies détruisent tout… Alors quand bien même on parviendrait à rester entre nous c’est reculer pour mieux sauter… Et pour finir par s’égorger les uns les autres pour une feuille de laitue rachitique… Alors je sais pas combien de temps il me reste… je sais pas combien de temps il nous reste et je m’en fous… Le virus je m’en fous… Je demande pas grand chose : juste à mourir dehors. Au soleil. Libre…

 

« Rien à signaler » notait Louis XVI, dans son Journal le 14 Juillet 1789. Rien à signaler et son monde était en train de s’écrouler autour de lui… Sur lui. On est en train de faire exactement la même chose. On court à notre perte et moi je ne trouve rien de mieux à faire que de me préoccuper de l’effet que je produis sur les unes ou les autres. C’est pitoyable. Lamentable. J’ai mal. Mal de moi. Mal de ce que je suis. Mal de ce qui nous attend.  

Publié dans : 2034
Ecrire un commentaire - Voir les 0 commentaires
Dimanche 21 septembre 7 21 /09 /Sep 20:19

Dimanche 21 Mai 2034

 

8 heures

 

Je venais à peine de me coucher hier – il était six heures du matin ! – quand Valentine est rentrée… Elle a passé la tête… - Tu dors pas ?… Elle s’est glissée à mes côtés, m’a prise contre elle… - Valentine ?!… - Oui ?… - J’ai quelque chose à te dire… C’est important… Il faut qu’on vive… Qu’on vive tant qu’on peut… Tu crois pas ?… - Bien sûr que si !… Mais pourquoi tu me dis ça ?… - Parce que… Parce que ça m’a paru tellement évident d’un seul coup… Si on faisait quelque chose aujourd’hui toutes les deux ?… Quelque chose de différent… Si on allait quelque part ?… A la mer par exemple… Ca te dirait pas ?…

 

- Ca fait quand même drôle !… - Quoi donc ?… - D’être sur la plage et qu’il y ait pas un seul homme… Nulle part… Avant t’en avais toujours à te tourner autour… - Ca te manque ?… - Dans un sens oui et dans un sens non… - Si t’avais autant de succès avec eux que t’en as avec les femmes !… - Comment ça ?… - Tu vois pas comment ça passe et repasse sans arrêt depuis qu’on est installées là… Comment on te dévore des yeux… - Tu te l’imagines… - Non, je me l’imagine pas, non… Et je suis bien tranquille que si t’étais toute seule il y a belle lurette qu’on serait venu te brancher… - C’est pas parce que je te plais à toi qu’elles doivent toutes me trouver à leur goût… - Il y en a beaucoup plus que tu crois… Ou que tu veux bien l’admettre…

 

Elle en a reparlé le soir à table… - Tu peux pas savoir comme j’aime ça qu’on te regarde… Qu’on ait envie de toi… Elle m’a pris la main… - Et si on faisait comme si on se connaissait pas demain à la plage ?… Ca les gêne quand je suis là avec toi… Elles osent pas autant qu’elles voudraient… Tandis que si on se sépare je pourrai les regarder te désirer tout leur saoul… Faire des travaux d’approche… Chercher à te séduire… - Oh, si tu veux… Mais tu vas être déçue, tu sais… - Ca, je crois pas, non… Dans la chambre, après, elle a été follement ardente…

 

 

 

 

Lundi 22 Mai 2034

 

Elle l’a pas été, déçue. C’était vrai. Il y en a eu. Qui passaient. De plus en plus près. Qui me jetaient des coups d’œil. Qui cherchaient à avoir mon regard. Une surtout qui a fini par venir s’allonger tranquillement à côté de moi… - Je peux ?… Moi aussi je suis toute seule… Et c’est pas marrant parce que j’adore parler. Pas toi ?… Elle n’a pas attendu la réponse. Elle a parlé. Beaucoup. Elle m’a regardée. Au moins autant. Derrière elle, par dessus son épaule, à quelques mètres de là, Valentine ne nous quittait pas des yeux… - T’as une copine ?… J’avais, oui… - Et elle est pas avec toi ?… Elle travaille ?… Elle travaillait, c’est ça… - Et t’es venue en week end toute seule… Tu repars quand ?… - Tout-à-l’heure… Faut que je sois rentrée ce soir… - C’est con !… Si on avait su… On aurait pu aller en boîte ensemble toutes les deux plutôt que de rester à s’ennuyer chacune dans son coin… Et je t’aurais montré des trucs drôlement sympas… Mais peut-être que tu reviendras ?… - Oh, sûrement!… Maintenant avec les beaux jours… - Appelle-moi alors !… Appelle-moi !… Tu m’appelleras ?…

 

Valentine a levé sur moi un regard interrogateur… - Et tu vas faire quoi ?… Tu vas donner suite ?… - Comme tu veux… - Ah non, non !… Pas comme je veux, non !… Il faut que tu en aies envie, toi !… C’est pas la peine sinon…

 

 

 

 

Mardi 23 Mai 2034

 

Et j’en ai envie, oui. C’est dingue ce que j’en ai envie. Parce qu’elle en a envie. C’est son envie qui me donne envie. Même si je ne la comprends pas forcément très bien. Mais ça la met dans un tel état que du coup moi aussi. J’arrête pas d’y penser. De m’imaginer avec cette fille. Dans ses bras. Avec Valentine qui nous observe. Que ça rend folle. La nuit dernière j’en ai même rêvé. Ca m’a réveillée. J’étais trempée. Je n’ai pas pu me rendormir avant de m’être caressée en y pensant. Et c’est venu presque tout de suite.

Publié dans : 2034
Ecrire un commentaire - Voir les 0 commentaires
Jeudi 18 septembre 4 18 /09 /Sep 06:26

Jeudi 18 Mai 2034

 

Tout le monde ne réagit pas comme Valentine. Tant s’en faut. On ne parle plus que de ça. Partout. Ca ressasse, ça ressasse et ça ressasse encore. On cherche à se rassurer. Sans jamais y parvenir. Les Cassandre s’en donnent à cœur joie et sapent allègrement le moral de celles qui s’efforcent de conserver un minimum d’optimisme. En parler n’avance à rien. Tout le monde le sait. Personne ne peut s’en empêcher. Nous non plus. On avait pris de sages résolutions : entre nous ici, à la maison, pas un mot là-dessus. Jamais. On n’arrête pas. D’une façon ou d’une autre ça revient sans arrêt sur le tapis.. Parce que ça nous habite la tête à toutes. C’est peut-être ce qui a mis Valentine en fuite : elle n’est pas rentrée depuis hier matin. C’est une explication, mais je sais bien que ce n’est pas la bonne… Elle est avec une fille…

 

 

 

Vendredi 19 Mai 2034

 

Moi aussi… J’allais pas rester là à me morfondre toute la soirée toute seule et je suis retournée au bar de l’autre jour… La tête d’Ophélie quand elle m’a vue !… - C’est toi !… C’est pas vrai que c’est toi !… Tu peux pas savoir ce que je suis heureuse !… Elle l’était… Transfigurée… Les yeux embués… Les yeux chavirés… Ivre de l’envie de moi… Elle m’a entraînée… Elle m’a emportée… - Viens !… S’il te plaît, viens !… Viens !… Dans sa chambre… - Toi !… Toi !… Toi !… Elle m’a fougueusement déshabillée – dépiautée – poussée vers le lit… Elle a enfoui sa tête entre mes cuisses… Gémi du bonheur d’y être… Heureuse de moi…  Et j’ai été heureuse de son bonheur de moi…

 

 

 

 

22 heures

 

Monelle a soupiré… - Tu te poses beaucoup trop de questions… Tu t’en es toujours beaucoup trop posé d’ailleurs… Pourquoi vouloir à tout prix définir ce qu’on éprouve ?… Mettre des mots sur les sentiments ?… Est-ce qu’on ne peut pas se contenter de vivre tout simplement ?… Tu es bien avec Valentine… Continue… Tu es bien avec Ophélie… Continue… Et arrête de couper les cheveux en quatre… De tout compliquer… - Il faut bien savoir… - Savoir quoi ?… Si t’es amoureuse ?… Et de laquelle ?…  Quel intérêt ?… Tu veux que je te dise ?… Que je te dise vraiment ?… Il n’y a que de toi que tu sois amoureuse… Tu n’as jamais été amoureuse que de toi… De l’image de l’amour que tu t’es forgée à quatorze ans… Et dans laquelle il faut que les autres rentrent coûte que coûte… Bon gré mal gré… Ce n’est pas ça aimer… Il n’y a pas L’AMOUR… Il y a DES amours… Uniques et irremplaçables… Qui s’inventent chaque fois différentes avec chaque partenaire… Tant qu’on n’a pas compris ça… Mais tu n’en es plus très loin… Tu en es même tout près…

 

 

 

Samedi 20 Mai 2034

 

5 heures du matin

 

Après ma conversation avec Monelle, hier soir, j’ai brusquement éprouvé l’impérieux besoin d’aller dialoguer avec Christopher. Pourquoi lui ? Je ne sais pas. Il était occupé ailleurs et j’ai dû insister longtemps. Près d’une heure… - Tiens, une revenante !… Ben, où t’étais passée ?… On a eu un peu de mal au début, mais on a très vite retrouvé nos marques et on a discuté comme deux vieux copains jusqu’à cinq heures du matin. Il est – comment dire ? – désabusé. Sans plus de goût à rien… - Le temps passe, c’est tout… Chaque jour ressemble à tous les autres. Les mêmes trucs à faire. Les mêmes têtes. Les mêmes petites histoires. Les mêmes petites plaisanteries. Les mêmes engueulades pour les mêmes conneries. T’as rien. Rien qui te donne vraiment envie de vivre. Si tu regardes devant toi qu’est-ce que tu vois ?… Un demain qui va ressembler comme deux gouttes d’eau à aujourd’hui. Et à tous les jours d’avant. Et à tous ceux d’après. Complètement vides. Rien pour les habiter. Enfin, si !… La trouille… La trouille que malgré toutes les précautions qui sont prises ça finisse par te tomber dessus à toi aussi… Sans parler des catastrophes qu’on nous annonce et dont personne ne sait si nos scientifiques et nos politiques seront capables de nous les éviter… Et on peut sérieusement en douter… Alors tu sais ce que c’est le pire ?… C’est de te dire que tu vis peut-être tes dernières semaines et que tu ne peux même pas en profiter… Que t’as rien pour les habiter… Si tu savais comment on vous envie, vous, à l’extérieur, de pouvoir vivre à plein… Ce que vous voulez… Comme vous avez envie… - On le fait pas forcément… - Oui, mais vous pouvez le faire…

 

Il a raison. Evidemment qu’il a raison. On se pose beaucoup trop de questions. Il faut vivre, vivre et encore vivre. Tout de suite. Maintenant… Nous on a la chance de pouvoir le faire…

Publié dans : 2034
Ecrire un commentaire - Voir les 0 commentaires
Dimanche 14 septembre 7 14 /09 /Sep 21:59

Dimanche 14 Mai 2034

 

- Je serai pas là ce soir… Juste ça. Sans autre explication…. Je ne me suis pas abaissée à lui demander où elle allait, ni pour faire quoi, ni avec qui… - Oui, je ne serai pas là ce soir… - Ca tombe bien… Moi non plus… Et, hier soir, je suis effectivement sortie. Sans véritable envie. Sans but. Je me suis promenée au hasard et j’ai fini par échouer dans ce bar où Monelle nous avait entraînées le soir de l’anniversaire de Valentine. Il y avait cette fille qu’elle nous y avait présentée, qui m’a tout de suite reconnue, qui est venue s’asseoir à ma table. J’avais besoin de parler. J’ai parlé. On a bu. Plus que de raison. Je n’ai pas l’habitude. J’ai sombré. J’ai vaguement senti qu’on me portait, qu’on me déshabillait. Je me suis endormie comme une masse…

 

Au réveil il faisait grand jour. Des lèvres me couraient, précises et douces, sur la peau… Je les ai laissé y errer à leur guise. Elles sont remontées. Se sont posées sur les miennes. Une langue s’est insinuée entre elles. Tout s’est brusquement fait plus ardent, plus passionné. Elle s’est savamment occupée de mes seins. Elle m’a ouverte. J’ai chaviré. Elle a insisté… Insisté encore… J’ai perdu pied… Elle est venue se couler contre moi, m’a picoré le cou de petits baisers… - Quelle jouisseuse tu fais !… Et dire que je sais même pas comment tu t’appelles… - Roxane… Et toi ?… - Ophélie… Tu reviendras ?… On se reverra ?… - Je sais pas… Peut-être… - Reviens, s’il te plaît, reviens…    

 

J’ai précipitamment regagné la maison… Valentine était rentrée… - Je peux te parler ?… Et je lui ai tout dit. D’un trait. Sans reprendre mon souffle… Elle a souri… - Tu fais bien ce que tu veux… Tu n’as pas de comptes à me rendre… - Ca t’est complètement égal alors que j’aille avec une autre !… Tu t’en fiches… Elle m’a attirée contre elle, a plongé ses yeux dans les miens… - Je m’en fiche pas, non… Ce que je veux, c’est que tu sois heureuse… Epanouie… Comme tu l’entends… Avec qui tu l’entends… Sans te poser de questions qui n’ont pas lieu d’être… - Tu as d’autres filles que moi, hein !?… - Oui… Et ça ne t’enlève rien à toi… Ni à elles non plus d’ailleurs… A personne… En amour ce qu’on donne à l’une on ne le prend pas à l’autre… Au contraire… Chaque relation s’enrichit de toutes les autres… Non ?… Tu crois pas ?… - Je sais pas… Dans un sens je me dis que oui et dans un sens je me dis que non… Elle m’a doucement embrassée… - Va vite t’habiller… Je t’emmène au restaurant…

 

Dans la rue elle m’a enlacée. On a marché longtemps, lentement, serrées l’une contre l’autre. On croisait d’autres femmes qui nous enveloppaient, au passage, d’un regard complice ou indifférent, rarement réprobateur… - T’as envie d’aller où ?… - Où tu veux… Choisis, toi !… Ca a été un restaurant de fruits de mer et de poisson au bord de l’eau… Au dessert je n’ai pas pu m’empêcher de poser la question… - Tu crois que ça va durer nous deux ?… - Il n’y a pas de raison… A condition qu’on ne se montre ni possessives ni exclusives l’une avec l’autre… C’est quelque chose que, pour ma part, je ne supporterais pas… Et que tu ne supporterais pas non plus… Ce qui t’est arrivé hier soir se reproduira… Tu auras envie d’autres femmes que moi… Mais bien sûr que si !… Et c’est parfaitement légitime… Si tu y renonces à cause de moi, sous prétexte de m’être fidèle, tu m’en voudras forcément, consciemment ou pas, et tu finiras par te détacher de moi, persuadée que je t’étouffe, que je t’empêche de vivre… Alors que c’est toi qui t’étoufferas toute seule… Comme une grande… Et je paierai les pots cassés… 

 

 

 

 

Mardi 16 Mai 2035

 

On vient de publier des chiffres extrêmement alarmants : dans trois ans la famine aura gagné l’Europe. C’est pratiquement inéluctable. A moins qu’on ne prenne immédiatement des mesures drastiques. Ce qui est le cas : tout ce qui peut être converti en terre agricole va l’être sans délai et toutes les terres agricoles, sans aucune exception – celles du moins qui ne sont pas totalement épuisées et qui pourront être irriguées – vont être exclusivement consacrées à la culture de produits de première nécessité. Il n’est pourtant absolument pas certain que ces mesures soient suffisantes. Et on laisse entendre que, dans un avenir très proche, les restrictions alimentaires ne pourront pas être évitées.

 

Reste à savoir si tout cela est vrai. Si on ne noircit pas à plaisir le tableau. Si on ne fait pas dire aux chiffres ce qu’on veut. Ou si on ne les a pas un peu « orientés » . Parce qu’ils tombent vraiment, comme par hasard, au meilleur moment possible pour nos dirigeantes qui font des pieds et des mains depuis des semaines pour nous convaincre qu’il convient de limiter, autant que faire se peut, le nombre des naissances masculines. Et qui y parviennent. Malgré la résistance bruyante et acharnée d’un certain nombre « d’attardées ». Elles vont bien évidemment jouer maintenant sur du velours : d’un côté il est indispensable d’assurer le renouvellement des générations, mais, de l’autre, il est tout aussi indispensable de restreindre le nombre des bouches à nourrir. La solution s’impose d’elle-même : il faut mettre au monde des filles, des filles et encore des filles. Et quelques mâles appelés à jouer ultérieurement le rôle de bourdons. Faut pas rêver : on est condamnées à se passer d’eux. Et pour longtemps. Et peut-être, en prime, à crever de faim. Il y a pas à dire : l’avenir s’annonce sous des couleurs radieuses…

 

- Il est pas encore là l’avenir… Et personne ne sait vraiment de quoi il sera fait… Personne… Alors on va pas le laisser nous gâcher le présent… Parce que le présent lui au moins on le tient… Et Valentine m’a entraînée dans la chambre. On a eu toute la nuit à nous. Rien d’autre que nous.

 

Publié dans : 2034
Ecrire un commentaire - Voir les 0 commentaires

Calendrier

Avril 2024
L M M J V S D
1 2 3 4 5 6 7
8 9 10 11 12 13 14
15 16 17 18 19 20 21
22 23 24 25 26 27 28
29 30          
<< < > >>

Recherche

Créer un blog sexy sur Erog la plateforme des blogs sexe - Contact - C.G.U. - Signaler un abus